Des licornes ? Pourquoi faire ?

« Ce qui pourrait nous aider, ce serait de la poudre de corne d’une licorne, notre médecin dans notre vilage en utilisait souvent et c'était plutôt efficace » dit Mérian au Lettré. Ce dernier se mit à rire aux éclats, alors qu’Éreth et sa sœur le regardaient d'un air perplexe. Il reprenait son souffle, et tenta de s’exprimer, les mots entrecoupés de sursauts de rire.
« De la poudre de licorne, elle est bien bonne celle-là ! — Pourquoi donc ? C’est fréquemment utilisé dans les remèdes, les médecins auraient-ils tort d’en utiliser ? s’exclama Éreth » Le Lettré se calma encore un peu, mais le regardait toujours d’un air amusé. « Mon pauvre Éreth, cela fait bien longtemps que les licornes ne sont plus de ce monde. Cela fait même environ six mille ans qu’elles ont disparu. Si ton médecin a réellement pu s’en procurer, c’est qu’il doit être plus riche encore que tous les souverains des cinq siècles derniers réunis. Cela fait belle lurette que tout ce qu’elles ont laissé derrière elles ne sont que légendes fantasques n’ayant aucun rapport avec la réalité. D’ailleurs, leurs cornes n’avaient même pas tant de valeur que ça à l’époque ! — Vous en parlez comme si vous en avez vu, est-ce le cas ? demanda Mérian. — Oui, en effet, j’en ai vu. Quelques-unes seulement, et uniquement quand j’étais encore un enfant ou un jeune adolescent. Mon père était chasseur, et m’élevait en tant que tel. Je l’ai vu en chasser quelques-unes. — Pourquoi les chasser ? N’étais-ce pas des créatures sacrées ? N’étaient-elles pas vénérées ? dit Mérian, les yeux grands ouverts, le visage blême. — Vénérées, ces abruties de licornes ? Non, si elles étaient vénérées, c’était à coup de flèches et d’argent pour leur cuir, qu’il ait encore du pelage pour décorer les intérieurs des nobles, ou sans pour des tanneries de bonne qualité. Mais ça ne valait pas l’ours quand même. Ou le bœuf, ria le Lettré. — Mais pourquoi n’y en a-t-il plus alors ? — On les a trop chassées. D’ailleurs, quand j’étais encore un gamin, elles se faisaient très rares. La seule que j’aie croisée une fois adolescent, je l’ai embrochée d’une flèche au travers de son cœur. Je me suis fait passer une branlée par mon père, car non seulement j’avais abîmé le cuir en le perçant, mais en plus, j'avais abimé le cuir de la seule licorne qu’on avait vu en plusieurs années. Et la dernière d’ailleurs. C’est l’un des trucs que j’ai appris quand j’ai reçu la sagesse des Créateurs. Et cette abrutie n’avait même pas eu peur de moi quand je l’ai approchée. Les licornes étaient connes, n’avaient pas beaucoup de valeur, et se sont fait exterminer. C’étaient des victimes de la nature. »


Texte initialement publié sur supran.fr pour le #DéfiDuLundi 7 sur le thème licorne.