Phundrak’s short stories

Short stories written by Phundrak

On ne pouvait plus distinguer le jour de la nuit, du ciel et de la mer. Les nuages, d’un noir de charbon, se confondaient avec les eaux glaciales entourant le navire. Cela faisait huit jours que les vents hurlaient, faisant grincer le bois, faisant craquer les planches, faisant hurler les sabords, assourdissant l’esprit engourdi de l’équipage. Ils étaient devenus automates, se mouvant avec des gestes répétés, identiques, tous travaillant à évacuer l’eau envahissant sans répit le vaisseau dont le froid les pénétraient jusqu’aux os. Ils n’avaient quasiment que ça à faire, la voile était baissée depuis le début de cette nuit sans fin, sans lune ni étoiles. Mais les vagues d’eau noire et glaciale ne manquaient pas. Les quelques chanceux qui pouvaient se reposaient tentaient tant bien que mal de sombrer dans un sommeil paisible, mais tout ce dont ils rêvaient était l’obscurité des abysses qui les menaçaient un peu plus chaque jour.
Dans sa cabine, le capitaine se penchait sur sa carte, comme un arbre penchant sous le hurlement d’une tempête. De ses yeux lents et sombres, il observait les traits noirs sur le papier jaunis par le temps. Ils se fatiguaient à lire des lettres, des noms de mers, de côtes, de courants se fondant avec le papier, difficilement discernables dans la pénombre que peinait à offrir la lanterne qu’il avait fait ouvrir. Il ne pouvait qu’essayer de deviner. Il était épuisé. Son corps voulait s’effondrer, son âme se sentait happée par les ténèbres.
La lanterne s’éteint, la nuit continuait, le lugubre navire dérivait.




Texte initialement publié sur supran.fr pour le #DéfiDuLundi 35 suivant le thème carte.

Cette terre arrive à sa fin. Cette terre ne sera bientôt plus et retournera au néant, là d’où elle est née. Les étoiles se sont éteintes, les Lunes s’évaporent, le Soleil disparaît et le ciel s’assombrit. Du ciel rougi des flammes infernales tombent des blocs de roche et de métal en fusion, les forêts brulent, les océans s’évaporent. Les animaux meurent, tués par la nature qui les a jusqu’alors nourri et protégé, et les hommes attendent leur fin, résignés, emplis de foi envers l’homme les guidant dans leurs derniers instants, le dernier envoyé des Dieux, le dernier représentant de Dame Qiirti, leur montrant la voie vers la prochaine terre où ils renaîtront.

Le cinquième des Dieux, Sicoñ le Grand Destructeur, s’est réveillé et sème maintenant la destruction dans notre monde, absorbant toute matière physique et subtile, brûlant tout des flammes naissant de son corps, dévorant tout ce qui se présente à lui. Cette terre arrive à sa fin.


Texte initialement publié sur supran.fr pour la troisième semaine du #Suprantober 2021, suivant le thème apocalypse.

Cachez vos enfants, cachez vos vieillards, cachez vos chiens, cachez votre bétail. Éteignez les lumières, fermez les portes, ne dormez pas, restez éveillés, alertes, mais surtout, restez discrets. Tapis dans les ténèbres nocturnes qu’aucune lune ne domine, dans la forêt couverte de neige, entouré de ses cerfs, le Roi du Grand Nord guette sa proie. Ne laissez pas le Perakall vous voir, ne le laissez pas repérer ce qui est vôtre autrement, ce sera votre dernier regret. Et si par malheur vous veniez à voir cette créature putride, ce corps de cerf avec son torse humain, vidé se ses boyaux, sur lequel trône un crâne orné de bois ensanglantés, n’essayez pas de fuir, il est trop tard. Priez, priez pour que, lorsqu’il dévorera votre corps, il ne dévore pas votre âme aussi.




Texte initialement publié sur supran.fr pour la deuxième semaine du #Suprantober 2021, suivant le thème surnaturel.

Le roi Zhóži, après sa rébellion couronnée de succès contre son père tyrannique, décida d’entreprendre un pèlerinage, ayant un but en tête : trouver l’oracle légendaire, se cachant dans les montagnes de son royaume, afin de connaître son avenir en tant que souverain. Il mit plusieurs années avant de pouvoir se lancer dans cette aventure, devant s’assurer que le royaume soit stabilisé suite à sa maltraitance par le souverain précédent.
Dix ans après son accession au trône, Zhóži put enfin partir. Pendant six mois, il marcha sans relâche avant d’enfin trouver le fameux ermite. Zhóži voulait savoir quel serait son avenir, afin de pouvoir mieux anticiper l’avenir et assurer à son peuple longévité et prospérité. La seule chose que lui répondit l’oracle : « L’avenir n’est pas quelque chose que tu souhaites connaître, jeune roi. Tu ne souhaites pas connaître les manigances qui arrivent, et les personnes qui se retourneront contre toi. Mais si tu veux savoir comment tu mourras, sache que ce sera aux mains de quelqu’un qui sera proche de toi. »
Alarmé par cette mise en garde, l’humeur du roi s’assombrit. Dès qu’il rentra chez lui, il commença à regarder chacun de ses invités ou de ses sujets qui l’appréciaient peu et se mit à les soupçonner. Bien vite, il se mit à enfermer ceux qui semblaient ouvertement mécontents à son égard. Mais il ne voyait que nombre des membres de sa cour devenaient de moins en moins satisfaits de ses actes, et Zhóži commença à emprisonner de plus en plus de personnes. Quand ses propres vassaux commencèrent à conspirer dans son dos, il commença à lui aussi conspirer contre eux, à les faire enlever, assassiner… Il se mit également à soupçonner certains membres de sa famille. Après tout, ses cousins pourraient, eux aussi, lui en vouloir. Et cet oncle devait sûrement vouloir son trône !
Alors que les prisons s’engorgeaient de nobles et personnes de la famille royale, une révolte se préparait entre les dirigeants encore en fonction. Mais ils furent pris de court. Jamais Zhóži n’aurait cru voir son propre fils, le prince héritier Bóži, mener lui-même une révolution. Jamais son fils bien-aimé n’aurait pu commettre une telle trahison ! Jamais quelqu’un d’aussi proche de lui… Pourtant, c’est bien son propre fils qui fit trancher la tête du roi qui fut auparavant bon, devenu tyran avec l’âge.
Le roi Bóži, après sa rébellion couronnée de succès contre son père tyrannique, décida d’entreprendre un pèlerinage, ayant un but en tête : trouver l’oracle légendaire.


Texte initialement publié sur supran.fr pour le #DéfiDuLundi 21 suivant le thème oracle.

Le sol trembla à nouveau. Tous les soldats se jetèrent un coup d’œil hésitant. Malgré le léger brouillard, tous pouvaient distinguer le sommet de l’Ávalbøllr, lui-même étant entouré de nuages, ne laissant trôner que la partie haute de la montagne, crachant abondamment une épaisse fumée noire, assombrissant en permanence un peu plus le ciel. Le Prince Klæingr ordonna à ce que toutes les lumières soient éteintes. Bjørn se tourna vers Snori.
« Et là, à ton avis, ils trafiquent quoi les dieux, hein ? Ça a pas l’air d’être une manifestation de leur joie, si ? – Tu as raison, les dieux sont agités, et Thor frappe sur son enclume, et nous ressentons le sol secoué par les coups de Mjølnir, et nous voyons les fumées de sa forge qu’il a établie en Midgard, parmi nous. Il est au travail, et il se prépare. – Dans ce cas-là, pourquoi ne faisons-nous pas plus d’offrandes aux dieux ? On en a déjà fait pour la bataille qui arrive contre ces maudits anglais, cela ne leur suffit pas ? – Tu ne comprends vraiment pas, Bjørn ? Les dieux ne préparent pas leur colère contre nous. Ils vont nous aider. Nous sommes les derniers sur ces terres à leur être fidèle, et à les reconnaître comme étant nos dieux véritables. Bien sûr qu’ils vont nous aider ! Avec Thor à nos côtés, on ne fera qu’une bouchée de pain des Anglais venus nous prendre nos terres, et voulant nous imposer leur dieu unique. »
Une voix se fit entendre au travers des rangs. Le Prince hurlait des ordres. Tous se mirent au garde-à-vous. L’armée entière était dans une pénombre pesante et devint rapidement complètement silencieuse. Quelques minutes plus tard, des lumières apparurent de l’autre côté de la plaine. Une. Puis deux. Puis dix. Rapidement, l’armée anglaise était aisément distinguable par tous. Les Éittlandais restèrent silencieux, sans bouger, tandis que les Anglais se mettaient en place. Ils savaient que l’ennemi devait être là, mais où ?
Le Prince commença en chant de gorge le premier vers du chant de guerre de la principauté. Suivi par les hommes autour de lui. Suivis par les hommes autour d’eux. Suivis par toute l’armée. Une fois la première récitation du chant terminée, une seconde repris immédiatement. Tous frappaient du pied en rythme, les soldats armés de haches ou d’épées les frappaient également sur leur bouclier. Et tous chantaient. De plus en plus fort. Klæingr descendit de son cheval et tendit le bras vers un soldat près de lui qui lui donna une lance. Puis, le dirigeant la lança de toutes ses forces en direction de l’armée ennemie. Enfin, il remonta sur son cheval et fit signe d’attaquer. Un cri commun s’éleva de l’armée entière qui se mit à charger vers les Anglais, postés devant eux. Seul Snori resta sur place un instant. Lui seul remarqua sur l’instant ce qui se passait en parallèle de la bataille. Un gigantesque pan de l’Ávalbøllr venait de voler en éclats, et un nuage lourd d’une noirceur profonde dévalait la pente du volcan, allant droit vers la mer. Droit vers la flotte anglaise.
« Thor est avec nous ! »


Texte initialement publié sur supran.fr pour le #DéfiDuLundi 19 suivant le thème volcan.

Cela faisait trois jours que je marchais dans ce désert de pierres et rochers. Cela faisait longtemps que je n’avais plus vu le moindre bout de verdure, entendu le moindre cri d’oiseau. Mes provisions s’amenuisaient à vue d’œil, et j’étais de plus en plus fatigué, pour ne pas dire exténué. Je pensais sincèrement prendre un raccourci en passant directement par le massif montagneux plutôt que de faire le tour de l’île ; je pensais que moi, je pourrais le traverser et que tous les autres qui ne voulaient pas le faire étaient soit stupides, soit des lâches ; je pensais que ce ne serait qu’une promenade de santé…

Ma réserve d’eau était au plus bas, ma dernière gourde n’était qu’à moitié remplie. Et ce n’est pas faute d’avoir croisé des cours d’eau, mais les relents de soufre en venant m’ont rapidement découragé d’en boire. Ce n’est pas ici que je pourrai me ravitailler, et moins encore en nourriture. Je me demandais, est-ce que ça a bon goût les roches volcaniques ? Est-ce que ça apaise la faim ?

Je ne reconnais rien. Il y a plusieurs reliefs que je ne connais pas. D’habitude, je les vois de loin, mais là, de près, je ne les reconnais que difficilement, et les perspectives que je n’avais jamais vues avant me sont complètement étrangères. Si seulement le soleil n’était pas caché par cet épais nuage de cendres, je pourrais au moins me repérer grâce à lui…

Je crois bien que je suis perdu. Quelle idée m’a pris de traverser les glaciers rocheux éittlandais ?


Texte initialement publié sur supran.fr pour le #DéfiDuLundi 12 suivant le thème sauvage.

Chaque jour, il ramassait ces petits morceaux de métal que les gens lançaient depuis le pont, parfois dans l’eau, parfois juste à côté. D’un côté, le troll était énervé de voir les gens faire ça, ça salissait l’endroit. Mais d’un autre, il aimait bien quand même ces disques de métal tout ronds et brillants. Quelques-uns avaient une couleur qui lui rappelait les lunes, d’autres le soleil. Du coup il les collectait. Et il savait que c’était pour lui que les gens faisaient ça.
De temps en temps, il entendait un marmot demander à ses parents pourquoi ils faisaient ça, et les adultes lui répondaient comme quoi c’était une offrande importante faite aux dieux du voyage. Le troll à chaque fois gloussait calmement ; leurs motivations avaient bien changé depuis les siècles qu’il était là. Ce n’est pas pour le voyage qu’ils lui offraient des choses à la base, c’était pour le pont. C’est lui qui entretenait le pont, qui faisait en sorte qu’il tienne. Et à la base, c’était de la nourriture qu’on lui jetait. Et puis, c’est quoi cette histoire ? Lui, un dieu ? Ça le faisait bien rire, il était juste chez lui, où le créateur de ce pont l’avait invité à vivre.
Pas bien comestible ces petits bouts de métal, mais ça fait joli, ça décore. Et puis, il y a chaque jour bien un type ou deux qui lui envoient encore de la nourriture. Peut-être parce qu’ils n’ont pas ces petits bouts de métal. De temps en temps, quand un type lui offrait de la vraie bonne nourriture en allant directement la poser sous le pont, le troll se sentait si généreux qu’il lui offrait tout un pot de ces bouts de métal. Ça semblait faire plaisir aux humains. Ce sont de drôles de bêtes quand même ces créatures.


Texte initialement publié sur supran.fr pour le #DéfiDuLundi 10 suivant le thème troll.

Notre monde n’existait pas encore ; notre univers n’existait pas encore ; les formes et couleurs, les sons, les odeurs n’existaient pas encore ; le temps lui-même n’existait pas encore ; et bien au-delà de notre existence actuelle, les trois Créateurs vivaient auprès de la Mère. Depuis la naissance de l’existence primordiale, ils discutaient, réfléchissaient, et imaginaient. À quoi devraient ressembler la réalité, comment devrait-elle fonctionner. Avi, Lor et Qiirti ne tarissaient jamais de paroles, d’imagination et d’ingéniosité. Alors qu’Avi discutait de l’aspect matériel du monde, Lor se concentrait sur les éléments subtils qui l’animeraient. Qiirti, quant à elle, s’occuperait d’embellir ce qui serait créé, et donnerait aux êtres leurs sentiments, leurs inspirations et espoirs. La Mère se contentait d’écouter leur conversation.

Un jour, Elle se leva et s’adressa aux Trois. Ils se turent immédiatement et tournèrent leur esprit tout entier vers Elle, s’imprégnant de chaque mot qu’elle prononçait, de chaque image qu’elle leur montrait, de chaque son qu’elle leur faisait entendre. Elle leur présentait ainsi sa décision ultime, basée sur leurs suggestions, et les envoya créer ce qu’on appelle réalité.

Avi créa la première matière, forgeant un marteau et une enclume. Il leva haut son marteau, le faisant reculer à la limite de l’univers et l’abattit d’une force inouïe sur le métal devant lui. Il répéta ainsi huit autres fois ce mouvement. Des étincelles naquirent étoiles, planètes et comètes. Un nouveau coup, plus puissant encore, fit naître une masse de terre et de métal sous forme d’orbe. Il le frappa encore plusieurs fois, réchauffant ainsi son cœur entrant en fusion. Avi tenta tant bien que mal d’arrondir au mieux cette sphère, mais ses outils furent endommagés lors des coups précédents, et sa surface n’était alors pas parfaite. La surface de l’orbe était également légèrement endommagé et semblait être recouverte d’une forme de poussière. Il la plaça alors dans l’univers et constata alors que ce nouvel astre manquait de lumière. Il abandonna alors son corps loin de cet orbe, laissant son Cœur émettre une lumière dorée intense pouvant à elle seule réchauffer la surface de cette boule. Ainsi furent créés le Soleil et la Terre.

Pendant ce temps-là, Lor émanait de son corps un liquide remplissant l’univers, un liquide emplis de son âme, suffisamment puissant pour pouvoir créer ce que l’on appelle la vie. Elle dissout tellement son corps qu’il ne resta ultimement plus que son Cœur d’une couleur argentée pure, flottant dans l’univers. Ainsi furent créés l’éther et la Lune.

Enfin, Qiirti amena le Cœur de Lor près de la Terre et réduit en taille afin d’explorer cet astre dénué de choses. Elle versa alors de l’eau dans ses plus grands précipices et collecta la terre sur les zones encore émergées et sculpta plantes et animaux. Elle prit de l’éther et leur insuffla avec la vie. Enfin, elle modela les premiers Hommes, de plusieurs aspects différents, et répéta le même procédé. Cette fois-ci, elle insuffla dans ces êtres une partie de son propre Cœur, leur faisant don de clarté d’esprit, et implora la Mère de sa bénédiction sur ces nouvelles créatures. Ainsi fut créée la vie.

Qiirti veilla alors sur ses enfants durant trois millénaires, les accompagnant jusqu’au premier âge d’or de la première civilisation. Cet ultime palier atteint, elle abandonna son corps, et son cœur devint une seconde Lune, plus petite que le Cœur de Lor, l’ayant partagé avec ses enfants les plus chers. Ainsi la dernière des Dieux Créateurs abandonna sa forme physique et continua à illuminer nos vies, et telle fut la création de notre monde.


Texte initialement publié sur supran.fr pour le #DéfiDuLundi 10 suivant le thème titan.

C’est avec une peine et une tristesse sans mesure que nous avons le regret de vous annoncer le départ de Dame Qiirti, Mère des Arts et dernière des Trois Créateurs, les divins nous ayant façonnés avec ce monde.
C’est ce matin dans son palais de Valdome que Dame Qiirti a réalisé un corps de lumière, nous quittant ainsi sous sa forme physique. À neuf heures du matin, heure locale, les habitants de la ville où se trouvait Dame Qiirti et de ses environs ont pu observer son âme nous quittant sous forme d’un orbe gigantesque suivie d’une traînée, toutes deux composées de lumière argentée, s’élevant dans le ciel. À l’heure où nous écrivons ces lignes, le Cœur de Qiirti a rejoint la voûte céleste aux côtés de ses semblables, nous faisant un ultime don sous forme d’une seconde Lune immaculée, accompagnant le Cœur argenté du Seigneur Lor et le Cœur doré d’Avi, ainsi que les milliers de Cœurs de nos autres Souverains illuminant nos nuits.
Avec la perte d’un être si exceptionnel, les États sous sa tutelle ont également perdu un dirigeant hors du commun, les ayant guidés vers une prospérité sans pareille dans notre monde. Les hauts responsables de l’Église de Dame Qiirti ne se sont pas encore prononcés sur l’avenir du gouvernement de ces États, mais il ne fait aucun doute que des gouvernements temporaires seront mis en place afin de combler ce vide immense.
Bien que cette nouvelle nous affecte tous au plus profond de notre être, il a été demandé par les Hauts Prêtres et les Hautes Prêtresses de résister à la tentation d’essayer de rejoindre Dame Qiirti et de la suivre au-delà du corps, mais de continuer à vivre dans le monde matériel tout en célébrant, pratiquant et perpétuant son vaste enseignement.
Pour les personnes souhaitant rendre un dernier hommage formel à la Dame des Arts, une ultime cérémonie commencera dans trois jours et durera toute l’année. Afin d’éviter un afflux trop important de personnes dans la ville hautement sacrée de Valdome, un planning sera publié par l’Église de Qiirti attribuant à chaque région une période durant laquelle les plus pieux d’entre nous pourrons se rendre devant le mémorial qui sera dressé durant les prochains jours.


Texte initialement publié sur supran.fr pour le #DéfiDuLundi 9 suivant le thème déesse.

« Ce qui pourrait nous aider, ce serait de la poudre de corne d’une licorne, notre médecin dans notre vilage en utilisait souvent et c'était plutôt efficace » dit Mérian au Lettré. Ce dernier se mit à rire aux éclats, alors qu’Éreth et sa sœur le regardaient d'un air perplexe. Il reprenait son souffle, et tenta de s’exprimer, les mots entrecoupés de sursauts de rire.
« De la poudre de licorne, elle est bien bonne celle-là ! — Pourquoi donc ? C’est fréquemment utilisé dans les remèdes, les médecins auraient-ils tort d’en utiliser ? s’exclama Éreth » Le Lettré se calma encore un peu, mais le regardait toujours d’un air amusé. « Mon pauvre Éreth, cela fait bien longtemps que les licornes ne sont plus de ce monde. Cela fait même environ six mille ans qu’elles ont disparu. Si ton médecin a réellement pu s’en procurer, c’est qu’il doit être plus riche encore que tous les souverains des cinq siècles derniers réunis. Cela fait belle lurette que tout ce qu’elles ont laissé derrière elles ne sont que légendes fantasques n’ayant aucun rapport avec la réalité. D’ailleurs, leurs cornes n’avaient même pas tant de valeur que ça à l’époque ! — Vous en parlez comme si vous en avez vu, est-ce le cas ? demanda Mérian. — Oui, en effet, j’en ai vu. Quelques-unes seulement, et uniquement quand j’étais encore un enfant ou un jeune adolescent. Mon père était chasseur, et m’élevait en tant que tel. Je l’ai vu en chasser quelques-unes. — Pourquoi les chasser ? N’étais-ce pas des créatures sacrées ? N’étaient-elles pas vénérées ? dit Mérian, les yeux grands ouverts, le visage blême. — Vénérées, ces abruties de licornes ? Non, si elles étaient vénérées, c’était à coup de flèches et d’argent pour leur cuir, qu’il ait encore du pelage pour décorer les intérieurs des nobles, ou sans pour des tanneries de bonne qualité. Mais ça ne valait pas l’ours quand même. Ou le bœuf, ria le Lettré. — Mais pourquoi n’y en a-t-il plus alors ? — On les a trop chassées. D’ailleurs, quand j’étais encore un gamin, elles se faisaient très rares. La seule que j’aie croisée une fois adolescent, je l’ai embrochée d’une flèche au travers de son cœur. Je me suis fait passer une branlée par mon père, car non seulement j’avais abîmé le cuir en le perçant, mais en plus, j'avais abimé le cuir de la seule licorne qu’on avait vu en plusieurs années. Et la dernière d’ailleurs. C’est l’un des trucs que j’ai appris quand j’ai reçu la sagesse des Créateurs. Et cette abrutie n’avait même pas eu peur de moi quand je l’ai approchée. Les licornes étaient connes, n’avaient pas beaucoup de valeur, et se sont fait exterminer. C’étaient des victimes de la nature. »


Texte initialement publié sur supran.fr pour le #DéfiDuLundi 7 sur le thème licorne.